CHAPITRE V

 

La nuit était tombée.

Pourtant, il faisait toujours sombre dans cet endroit obscur et maléfique, cet antre secret où même la lumière vacillante des bougies ne suffisait pas à percer les ténèbres.

Des ombres glissaient sur les murs humides et lézardés, s’infiltraient dans les crevasses, se tapissaient dans les coins ou enveloppaient les statues brisées à l’expression vide, gardiennes sans âme de la mort et de la pourriture.

Les silhouettes humaines agenouillées sur le sol, tête baissée en signe de supplication, ressemblaient à ces statues. Une mélopée sourde s’élevait et retombait autour d’elles, se répercutant contre les parois de la salle.

Luke se tenait à l’écart des autres, car son rang lui évitait de devoir se mêler à eux. Même à genoux, il restait imposant avec sa haute taille, ses larges épaules et ses bras musclés. Il avait des narines frémissantes, des yeux reptiliens légèrement obliques, des lèvres épaisses et un front bas.

Un observateur non averti l’aurait pris pour un jeune homme d’une vingtaine d’années. En réalité, Luke était beaucoup plus vieux que ça. Ses vêtements semblaient dater d’un âge révolu, même si on n’aurait pas su dire lequel.

Tous les sens en alerte, il écoutait.

Le chant s’amplifia, se fit plus intense. Luke observa la surface immobile d’une flaque écarlate.

Une flaque de sang.

— Le dormeur va se réveiller, annonça-t-il.

Sa voix était grave et sonore ; son haleine sentait le cadavre pourrissant et la terre fraîchement retournée.

Il avait un visage de vampire.

— Le dormeur va se réveiller, répéta-t-il, et le monde saignera.

Il plongea un doigt dans le liquide poisseux.

— Amen.

Tandis qu’un souffle invisible agitait follement les flammes des bougies, les ruines qui l’entouraient s’illuminèrent.

C’étaient celles d’une église enfouie sous terre depuis des siècles. Au plafond, des arches et des poutres brisées formaient d’étranges angles.

Le sang coulait lentement sur les côtés de ce qui avait dû être un autel.

Les fidèles reprirent en chœur leur mélopée, emplissant la pièce de leur dévotion et de leur désespoir.

Puis ils attendirent.